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Il est dit que nous sommes la moyenne des cinq personnes que nous fréquentons le plus. Cela s’applique évidemment à l’entreprise. Bien s’entourer, c’est s’assurer une influence positive lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, passer à l’action et idéalement réussir.
Nous avons déjà abordé l’importance et la manière de recruter des talents. Reed Hasting, le fondateur de Netflix, justifie d’ailleurs le succès de son entreprise à sa capacité à s’entourer des meilleurs, au détriment de ses concurrents. Il se voit davantage à la tête d’une équipe sportive de haut niveau, que d’une famille soudée. Il choisit les profils capables de faire exploser “sa moyenne” quitte à les remplacer s’ils ne sont plus à la hauteur. De leur côté, ces talents le choisissent parce qu’ils sont convaincus que sa proposition est la meilleure pour leur carrière et faire progresser leur propre “moyenne”.
Aujourd’hui, je ne vais pas m’étaler sur la notion de talent. Laissez-moi plutôt vous parler d’autres personnes, qui influencent les grandes décisions de l’entreprise. Des femmes et des hommes de l’ombre, qui composent ce que l’on appelle un “board”.
Derrière cet anglicisme, se cachent deux appellations, celle de “conseil d’administration” et de “conseil stratégique”. Le conseil d'administration est un groupe de personnes qui sont légalement responsables de la gouvernance. Ils sont élus par les actionnaires et donc garants de la performance de l'organisation. Les fondateurs ou dirigeants reportent directement à ce conseil. Cela ne concerne généralement que les entreprises à un stade de développement avancé ou ayant déjà levé des fonds.
Le conseil stratégique, lui, est un groupe de personnes que vous choisissez vous-même pour fournir des conseils et résoudre un éventail de défis auxquels l'entreprise est confrontée. A l'inverse du conseil d'administration, il ne prend aucune décision au nom de votre entreprise. Que vous soyez en phase de lancement ou en quête de pivot, quel que soit votre niveau de maturité, le conseil stratégique est à votre portée.
C’est ce dernier qui nous intéresse aujourd’hui. Son principe est très simple, vous entourer de personnes qui élèveront votre “moyenne”, afin de renforcer votre niveau de pensée et d’action, lorsqu’il s’agira de prendre des décisions stratégiques.
Il est relativement rare en France, car partager ses doutes, admettre qu’on ne maîtrise pas tout et accepter d’être challengé, est plutôt vécu comme une forme de faiblesse par nos entrepreneurs et dirigeants. A tort !
Prendre le temps de s’entourer des meilleurs
Les raisons de créer son board sont multiples. Vous pensez être le plus fin connaisseur de votre marché et le meilleur meneur de femmes et d’hommes possible. Si tel est le cas, vous aurez l'humilité d’admettre que même si votre profil est idéal pour votre entreprise, la perfection n’existe pas. Avancer seul, c’est risquer de s’enfermer dans une vision unique, des œillères qui vous empêchent de voir les signaux faibles autour de vous. Plus encore, votre expérience vous est propre et ne permettra pas de devancer tous les scénarios à venir, qu'ils soient structurels, commerciaux, financiers ou humains. S’entourer, c’est s’assurer une vision complémentaire ou contradictoire, qui dans les deux cas, vous permettra de prendre du recul, vous remettre en question, apprendre évidemment et faire preuve de plus d’ouverture. Des conditions sine qua non d’une prise de décision de qualité.
Surtout, en tant que dirigeant, vous vous sentez souvent bien seul. Certes, vous êtes entouré pour l'exécution de votre stratégie. Vous avez su recruter des profils de confiance, meilleurs que vous sur leur métier. A leur échelle, ils vous apportent des idées et conseils très utiles pour faire bouger votre ligne stratégique. Vous avez même peut-être des associés, avec qui vous définissez et appliquez les grandes orientations. Cela ne suffit pas, surtout quand de l’autre côté, vous avez votre conseil d’administration qui est évidemment à votre écoute, mais n’est pas toujours réceptif à votre vision à long terme. Plus encore, ce ne sont clairement pas les personnes avec qui vous souhaitez partager vos doutes et idées les plus folles.
Le conseil stratégique est là pour vous sortir de cet isolement. Il est neutre et n’a de compte à rendre à personne. Un cadre idéal pour parler sans retenu et aborder ces idées folles et autres sujets tabous.
Gagner en crédibilité, sortir la tête du guidon et de l’isolement, autant de raisons qui doivent vous convaincre de créer votre conseil stratégique. Toujours pas convaincu ? Entrons un peu plus dans les détails.
Créer un board de A à Z
J’ai rencontré dernièrement Bruno Kaufmann, dont le métier est justement d’aider les entreprises à créer et animer leur board, avec sa société WeBoard. Je lui ai demandé de nous partager ses méthodologies et retours d’expérience.
La première question que vous vous posez est certainement celle de la nature des profils qui pourraient rejoindre votre board. Evidemment tout dépend de votre industrie et de votre maturité. Cependant, vos recherches doivent se concentrer sur deux aspects fondamentaux.
Tout d’abord, il y a vos attentes individuelles, propres à chaque membre de votre futur conseil stratégique. Ces conseillers doivent répondre à trois impératifs :
✔ ️ Savoir prendre le recul nécessaire pour analyser et partager ses expériences, sans tomber dans le piège de la narration de ses guerres passées, ni expliquer ce qu’il ferait à la place du dirigeant qui le sollicite. Il s'agit ici de la dimension du partage (analytique) d'expériences.
✔ ️ Savoir poser des questions, humblement, en assumant de ne pas tout connaître. Cela doit s’appliquer dans le questionnement du dirigeant, mais aussi de manière croisée entre membres du conseil stratégique.
✔ ️ Avoir à la fois le désir sincère de réussite du dirigeant, mais également la sagesse de le laisser décider par lui-même.
Point important soulevé par Bruno Kaufmann “les dirigeants et cadres dirigeants qui rejoignent les conseils stratégiques que WeBoard créé, sont tous en poste ailleurs. Ils n'ont rien à vendre, aucune attente pour eux-mêmes. Ils rejoignent ce conseil parce qu'ils ont à la fois le désir de transmettre et celui d'aider une belle aventure, librement.”
Ensuite, il y a les enjeux collectifs. Il est important d'avoir une diversité de pensées, d'expériences, de parcours. Cette diversité nourrit les débats, et permet de limiter les angles morts de la réflexion des dirigeants et in fine de prendre de meilleures décisions pour leur entreprise.
Il y a un équilibre subtil à atteindre entre diversité des membres et éléments communs qui les réunit toutes et tous autour de la table pour avancer vers un même objectif. C'est pour cela qu’il est si difficile de constituer un bon conseil stratégique.
Soyez aussi séduisant qu’avec vos clients
Maintenant que vous avez en tête les personnes avec qui vous souhaitez nourrir le débat, il faut les convaincre. Selon votre niveau d’avancée et de notoriété, la tâche se révélera plus ou moins difficile.
Comment s’y prendre ? Tout simplement en demandant ! De façon très sérieuse, le premier blocage à l'entrée d'une personne de qualité dans son propre conseil stratégique, c'est la peur de le lui demander.
Une fois cette peur derrière vous, à vous de le séduire, en lui expliquant pourquoi son profil vous intéresse et pourquoi il a tout intérêt à accepter. Ce deuxième point consiste à mettre en perspective, via l'objectif à atteindre, l'aventure que vous menez, qui explique pourquoi vous souhaitez constituer ou renforcer maintenant votre conseil stratégique et en quoi cette personne ferait un bon atout.
Bruno explique que “chez WeBoard, les membres qui rejoignent des conseils de ce type le font avant tout parce qu'ils apprécient l'aventure humaine du ou des dirigeants, qu'ils s'approprient l'ambition de ces derniers”.
Très en amont, il convient de définir de façon claire et ferme le champ d'intervention des membres du conseil stratégique. Il y a un cadre nécessaire pour apporter de la tranquillité d'esprit au dirigeant et pour chacun des membres du board. Vous devez ainsi vous poser plusieurs questions :
✔ ️ De quelle manière allez-vous les solliciter lorsqu’ils vous auront rejoint ?
✔ ️ Quelle implication et éventuelle charge de travail attendez-vous d’eux ?
✔ ️ Comment peuvent-ils devenir membres de votre conseil sans nuire à leur productivité à côté ?
✔ ️ Quelles sont les règles, les choses à savoir et faire pour que cela se passe bien de part et d'autre ?
La clé reste de calibrer en amont le volume de temps que vous leur demanderez sur l'année, et ce, de manière la plus pratique possible, afin de leur permettre de s'organiser au mieux.
Bruno résume ainsi les choses “identifiez les bonnes personnes à approcher, racontez-leur vos ambitions, vos doutes, les raisons pour lesquelles vous seriez heureux de les compter dans votre conseil stratégique, puis expliquez le cadre d'intervention que vous proposez, notamment vos contreparties."
Le plus dur reste à venir
En associant ces quelques noms à votre entreprise, vous gagnerez forcément en crédibilité lorsque vous serez amené à discuter avec un potentiel client, investisseur ou autre partenaire. Ce n’est qu’un des bénéfices attendus. Pour tirer pleinement parti de ces conseillers, il convient de respecter quelques règles afin de les fédérer aussi longtemps que le conseil existera.
Gardez à l’esprit que cet investissement des membres représente un projet parmi d'autres pour eux. Ils ont probablement plusieurs engagements ou un employeur avec lequel ils ont signé un contrat de travail qui les engage, notamment en termes d'exclusivité de leur temps de travail.
Pour Bruno, “ce sujet est rarement simple, et c'est d'ailleurs pour cela que les entreprises font appel à WeBoard pour gérer fluidement cette partie appelée "clearing", à savoir les aspects juridiques, contractuels et financiers ainsi que la conformité du futur membre avec son ou ses employeurs actuels.”
Globalement, il vous faudra clarifier avec chaque futur membre ses conditions d'interventions et ce qui est attendu de part et d'autre.
✔ ️ Quelle charge de travail peut-il assumer ?
✔ ️ Combien de réunions peut-il suivre dans l’année ?
✔ ️ Quel type de compensation recherche-t-il pour son engagement ?
Pour y parvenir le dirigeant doit s’assurer d’être raisonnable dans ses sollicitations et de partager suffisamment en avance ses besoins qu’il s’agisse de réunions à fixer ou de documents à traiter.
La fréquence d’animation d’un conseil stratégique dépend de la maturité de votre entreprise et de la nature des objectifs que vous vous êtes fixés. S’ils sont prospectifs sur des enjeux à moyen terme, il n'aura probablement pas la même fréquence que s’ils sont dédiés à votre transformation numérique à court-terme, pour préparer la conquête d’un nouveau continent.
Une jeune pousse aura probablement des questions pour son conseil stratégique beaucoup plus pressantes et court-termistes qu'une ETI déjà internationales. Là aussi, la fréquence sera impactée.
Bruno précise “pour ce qui est des manières d'animer son board, je rappelle que des gens de bonne volonté se réunissent pour vous aider sur vos sujets stratégiques. Respectez leur temps et utilisez-les au mieux.”
En pratique, cela signifie de bien préparer ces réunions en amont, de clarifier le thème principal et l'ordre du jour pour la prochaine réunion, d'envoyer tout ce qui est nécessaire à l'avance pour permettre à chacun de travailler en amont de la rencontre. Ainsi, vous tirerez le maximum des quelques heures d'échange avec les membres.
En résumé, vous identifiez les bons profils, vous avez réussi à les convaincre et jusqu’ici à en tirer de la valeur. Malgré tout, à un moment ils risquent de s’investir avec moins d’énergie. Faut-il alors les payer ? Après tout, toute peine mérite salaire.
Si vous faites du chiffre d'affaires, que vos conseillers sont destinés à avoir un impact commercial, alors oui. Leur engagement mérite un dédommagement. A minima pour de toutes petites structures, cela peut être un bon déjeuner, qui, toutefois, ne doit pas occulter le temps de travail sur les sujets à l'ordre du jour.
“Chez WeBoard, nous sommes partisans d'une rémunération simple et claire, mais il est vrai que cela concerne surtout les PME et ETI. Pour une startup en phase d’amorçage et sans revenus, c'est au contraire la norme que les conseillers ne soient pas rémunérés, car ils viennent avant tout par bienveillance et par conviction que votre projet peut fonctionner” nuance Bruno.
Dans un cas comme dans l'autre, il reste difficile de s'assurer de l'engagement dans la durée de personnes de qualité, souvent très sollicitées, si un cadre très clair et une forme de rétribution, ne sont pas définis d'un commun accord.
Le cas Artsper
Pour vous projeter, je vous propose d’analyser le cas d’une jeune pousse nommée Artsper, acteur majeur de la vente d'art contemporain en ligne et un des premiers à avoir fait confiance à WeBoard pour constituer son conseil stratégique.
Aujourd'hui, les fondateurs François-Xavier Trancart et Hugo Mulliez sont entourés de Solenne Blanc la CEO du groupe Beaux-Arts, Christian Jorge le co-fondateur et ancien COO de Vestiaire Collective, Raphaël Goumain, le directeur marketing de Google France et de Rachel Chicheportiche, ancienne directrice générale de la marque de maroquinerie Jérôme Dreyfuss. Un casting 5 étoiles pour aider l’entreprise dans son développement international.
François-Xavier Trancart m’a résumé de la façon suivante son besoin initial “nous souhaitions nous entourer d’experts sur notre métier de place de marché, ayant déjà une forte expérience entrepreneuriale ou des compétences clés, afin de nous challenger. C'était important pour nous d'avoir des personnes extérieures à notre cap table. D’où l’idée du conseil stratégique."
A la clé, une vision neuve et externe. Les membres du conseil stratégique d’Artsper ont permis aux fondateurs de sortir de leur zone de confort, d’identifier certaines mauvaises habitudes et également de souligner les points forts de l'entreprise, sur lesquels accélérer. En plus de cette prise de recul, le carnet d’adresses des membres à permis d’ouvrir quelques portes, pour accélérer le développement.
La complémentarité des profils a été décisive. François-Xavier et son associé sont allés chercher des experts en marketing, marketplace, communication et du monde de l'art. Leur entente est au beau fixe, sans quoi il eût été difficile de dégager de la valeur.
Pour finir, garder à l’esprit que l'humilité est le tempérament indispensable pour optimiser un conseil stratégique. Celui-ci a plus vocation à vous critiquer qu'à vous congratuler. Admettre que l’on a besoin d’aide est un premier pas en avant, accepter d’être remué en est un autre.
Maintenant, à vous de bien vous entourer.
Si vous souhaitez écrire à Bruno Kaufmann, pour un besoin d’accompagnement, ça se passe ICI, si vous avez envie de lancer la discussion avec François-Xavier Trancart, ou en savoir plus sur Artsper, c’est par LÀ.
Dans la prochaine newsletter, je vous propose d’attaquer un gros morceau, bourré de clichés et de contradictions. Nous parlerons de levées de fonds. Promis, je ne tomberai pas dans le piège de la critique ou de la congratulation. Nous analyserons plutôt les rouages du fonds d’investissement et je vous proposerez quelques conseils pour sélectionner les bons partenaires financiers, si vous êtes à la recherche de capitaux. D’ici là, si vous avez un retour d’expérience à me partager, je vous laisse m’écrire en répondant à cet email. Vos expériences sont précieuses et m’aideront à préparer cet article.
A la semaine prochaine.